La BD sans encre ni papier ou peut on décemment dématérialiser la BD ?


J'en entends déjà certain hurler au scandale.

Oui moi aussi j'aurai hurlé et hurle parfois encore à l'énoncé de cette interrogation. De par ma formation et mon (ancien?) métier je viens de l'imprimerie. Autant vous dire que pour moi, l'odeur de l'encre, du papier (de la colle... je plaisante, quoique...) sont des parfums familiers et précieux. Rien de tel qu'un livre neuf, fraîchement imprimé et l'agréable senteur qu'il dégage (à part les Monster éditions de Marvel dont je trouve l'odeur immonde...). Alors voilà, me priver de cela, c'est comme admirer une superbe rose mais n'en relever aucun effluve.

Pire, me priver du contact du papier, de son toucher si doux, du léger craquement que fait la colle quand on ouvre l'ouvrage pour la toute première fois, de ces couvertures sublimées d'un vernis sélectif, de certaines tranches de collections si belles et harmonieuses une fois réunies, c'est me priver de bien des plaisirs.

Mais, parce qu'il y a forcément un mais..., je suis une très grande consommatrice et si je devais acheter toutes les BD que je lis, mon frigo serait bien vide (non l'amour de la lecture et l'eau fraîche ne suffisent pas malheureusement...). De plus, même si un de mes fantasmes ultime serait de consacrer une pièce entière à mes bibliothèques (avec de bons gros fauteuils, de la lumière directe et tamisée, peut être même un aquarium...) je me demande au final si cela ne correspond pas simplement à un besoin compulsif de possession.

Car ces livres si beaux et bien rangés, je n'aime pas les partager. Oui c'est comme ça, je ne prête pas mes BD et seul mon conjoint a le droit d'y toucher. Parce que de mauvaises expériences ont suffi à me convaincre que beaucoup n'ont pas le même respect du livre que moi et que certains me sont revenus dans de piteux états (quand ils revenaient...). Donc tant pis pour le partage, je préfère en offrir et garde jalousement mes ouvrages.

Mais comble du comble, je ne les relis pas tous et sait pertinemment que je n'aurai jamais le temps de relire l'intégralité de ce que je collectionne depuis plus de 25 ans maintenant. Alors pourquoi collectionner ? De plus c'est une passion très onéreuse et comme dit plus haut assouvir ma soif de lecture n'est pas possible pour mon budget. Alors je revends ce que je n'ai pas vraiment adoré, ce que je ne relirais jamais et fait tourner la collection ainsi, privilégiant la qualité à la quantité.

Puis il y a le prêt. Je suis ce qu'on appelle un rat de bibliothèque. Je passe des heures dans ces endroits qui pour moi sont magiques. Quand je me rends à ma médiathèque qui regorge littéralement de mangas et comics en plus des traditionnelles BD européennes je me transforme en petite fille dans un parc d'attraction. Les yeux émerveillés devant toutes ses œuvres qui m'attendent. Bien sûr j'ai parfois le cœur gros de devoir rendre les ouvrages qui m'ont vraiment emballés. Je sais au fond de moi que ce n'est que partie remise et que je les achèterai plus tard.

Vous voyez où je veux en venir ? non ? Et bien voilà, avec le confort qu'offrent maintenant les écrans et la rapidité avec laquelle je peux lire certains titres, je commence à me dire que la lecture numérique peu en fait m'apporter bien des avantages.

Primo cela me permettrait de lire de la nouveauté que je ne peux trouver en prêt étant donné que les achats en bibliothèques ne sont pas aussi réguliers que les parutions. Ensuite cela me donnerait la possibilité de découvrir une œuvre que je n'aurai pas mise en priorité dans ma liste d'achat faute de moyens. Car les BD "vendues" sur internet sont bien moins chers et donc beaucoup plus accessibles.

L'accessibilité justement ! la BD numérique offre l'accès à la version originale de titres qui ne seront peut-être jamais traduits par chez nous. Et puis quand on part en vacances ou déplacements il est quand même beaucoup plus simple de blinder l'eee pc ou le portable que de se balader avec des BD qui très vite pèsent très lourd.

Je passerai rapidement sur le côté écologique de la chose, mais il est pourtant bien présent également.

Cela me rappelle les débats qui avaient parfois lieux lors de l'arrivée du CD. Je connais des personnes qui vous diront qu'ils trouvent un charme indéniable au craquement d'un bon vieux vinyle et que leurs pochettes grand format et cartonnées sont quand même beaucoup plus belles que les jaquettes des boîtiers cristal. Puis il y a eu le mp3 et maintenant tout vient à se dématérialiser. Alors après tout pourquoi pas nos bandes dessinées ?

Les éditeurs commencent à réfléchir sérieusement à mettre en vente en ligne leurs collections et d'autres ont déjà franchi le pas. Cela ne fera pas s'écrouler le commerce de la BD dans son sens propre, pas plus que les gens qui ont maintenant pris l'habitude de lire accoudés aux rayons des librairies. Cela ouvrira peut être la culture à ceux qui habitent dans des endroits où trouver une librairie digne de ce nom, voir un comic shop, est quelque chose de tout à fait impossible. Et puis les collectionneurs seront toujours là pour acheter de quoi emplir leurs étagères, à n'en pas douter.

Alors après tout, pourquoi ne pas s'ouvrir à la modernité ? Si elle respecte les droits d'auteurs (oui le téléchargement illégal c'est le mal ! ) et qu'elle offre un certain confort de lecture je pense que cela tend à se démocratiser.

Et vous ? seriez-vous prêt à franchir le pas ?