Superman : Red son - Millar / Johnson / Plunkett

Dans la lignée des Elseworlds, DC sortait en 2003 une mini-série uchronique intitulée Superman : Red son. Rééditée par Panini Comics en 2010, je n’avais pas encore eu l’occasion de m’y atteler. L’été est toujours une bonne période pour rattraper le temps perdu.

En 1938, une fusée s’écrase sur Terre avec à son bord un bébé du nom de Kal-el. Recueilli par un couple de fermiers, l’enfant sera élevé comme un humain jusqu’à ce que ses pouvoirs se révèlent. Sauf que nous ne sommes pas aux Etats-Unis, pas à Smallville, pas chez les Kent, mais en Ukraine, grenier de l’URSS stalinienne. Dès l’avènement de son personnage, c’est donc tout naturellement que Superman se met au service du régime communiste.

Alors qu’il devient rapidement le modèle du nouvel Homme communiste, inébranlable, magnanime, de l’autre côté de l’Atlantique (ou du Pacifique, au choix…) Lex Luthor ronge son frein, attendant qu’on fasse appel à son intelligence supérieure pour contrer ce surhomme. Ce que la CIA ne tardera pas à faire, trop inquiète de son impuissance face à une telle menace. Car si Superman veut « le bien pour tous les hommes », Staline a probablement d’autres idées en tête. Et qui sait ce que peut susciter le pouvoir, même sur un être vertueux ?

C’est une idée assez savoureuse que cette transposition du mythe américain dans la Russie stalinienne. Mark Millar avait là un terreau exceptionnel, malheureusement pas suffisamment exploité. La mise en place est plutôt habilement menée, avec Superman en voix off. Il nous raconte ses débuts à Moscou, le ressenti des américains, l’avidité de Staline. D’autres très bons passages, notamment tout l’épisode avec Batman, en terroriste résistant à la toute puissance de Superman.

Finalement, ce qui cloche un peu dans le scénario de Millar, c’est qu’on attendait plus d’une telle uchronie. Il y avait matière à interroger plus profondément le mythe Superman, ce qu’il représente, cette volonté farouche de toujours suppléer les hommes. Et aussi ce qu’il représente dans la mythologie américaine moderne. Dans l’introduction, Tom DeSanto explique qu’ « avec un scénariste ordinaire, le résultat n’aurait été qu’une suite de clichés sans nuances, une vision simplifiée en noir et blanc, avec les bons Américains d’un côté et les méchants Russes de l’autre. Mais Mark Millar n’est pas un scénariste ordinaire». Pourtant, en toute honnêteté, à la lecture, on retrouve sans aucun doute ce manichéisme, n’en déplaise à DeSanto.

Sinon, la partie la plus réjouissante selon moi, les dessins de Dave Johnson et Killian Plunkett, qui donnent vraiment vie à cet univers alternatif, jouant habilement avec les codes de la propagande stalinienne (de très crédibles « affiches » dans le récit des exploits de Superman) et avec d’excellentes scènes d’action (encore une fois, l’épisode Batman).

Ce Superman : Red son est un très bon divertissement, rempli de clins d’œil, et servi par un travail graphique de haut niveau. Il ne faut cependant pas y voir une réflexion de fond sur le personnage, ni sur la guerre froide ou quoi que ce soit de politique. Mark Millar, s’il s’y est vraiment essayé (?), s’est alors un peu loupé. Mais l’essentiel, le divertissement, est bien là !



Scénario : Mark Millar - Dessins : Dave Johnson/Killian Plunkett - Editeur : Panini Comics - Collection DC Icons - Récit complet.  



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