Macaroni ! - Campi / Zabus

On connaît principalement Vincent Zabus pour sa série Le monde selon François, qui avait inauguré la collection Punaise de Dupuis. C’est d’ailleurs en travaillant sur cette série que lui est venue l’idée de Macaroni !. Une histoire de filiation, d’immigration, de mémoire et de mine. Et en Belgique comme en Lorraine ou dans le Nord, cette histoire est quasi universelle.

Roméo, jeune garçon moderne, en veut sérieusement à son père de le déposer à Charleroi pour une semaine. Pas d’autre choix de toute façon. Mais ce qui ennuie Roméo, ce n’est pas tellement la ville, c’est ce grand-père chez qui il va devoir rester, le « vieux chiant ». Ils se connaissent très peu ; il faut dire que pour décrocher une parole d’Ottavio, faut se lever de bonne heure.

Pourtant les deux vont apprendre à s’apprivoiser. Roméo travaille dans le jardin, nettoie l’auge du porc et ça, Ottavio apprécie. Il se montre surtout très curieux de la vie de son grand-père, de son départ d’Italie pour la Belgique, de la mine et de la guerre. Il découvre que ce vieux a beaucoup à lui apporter : des souvenirs, l’histoire sensible d’une époque, une origine.

Vincent Zabus le raconte en postface, il aura fallu du temps à cet album pour voir le jour. Renaud Collin qui se casse les dents sur le dessin, scénario mis donc de côté qui renaît dans un spectacle du Théâtre des Zygomars, et enfin Thomas Campi qui se relance dans une nouvelle adaptation. Au cours de ces péripéties, de multiples versions du scénario seront adoptées, passant d’un registre jeunesse à un registre plus adulte.

En ouvrant l’album, on ne peut s’empêcher de penser aux Ritals de Cavanna, à Adamo (qui signe d’ailleurs une très touchante préface). Mais on s’aperçoit à la lecture que le fond du propos n’est pas tant l’Italie et le déracinement que la filiation. On lit cette histoire à travers Roméo, à travers les yeux d’un jeune garçon qui entre dans l’âge adulte avec les récits de son grand-père. Erri de Luca, dans Trois chevaux, explique parfaitement cet éveil au monde : « Grand-père m’apprend à dépecer le cochon. Il recueille le sang chaud, le fait frire et il le mange pour donner du cœur à l’ouvrage. Je n’arrive pas à avaler cette chose-là. Mais si tu veux une place parmi les anciens, il te faut reprendre un peu de leurs coutumes, de leur jeunesse. »

Thomas Campi signe également un travail magnifique. On s’arrête en particulier sur les visages, croqués sous tous les angles possibles. Celui du grand-père en particulier, ces yeux qui en s’éclaircissant disent l’oubli, ces rides dans lesquelles on croit distinguer la dureté de la vie.

Vincent Zabus et Thomas Campi signent un superbe album sur la mémoire. Celle qui disparaît petit à petit, celle qui se transmet, celle qui se terre et resurgit. Ils disent aussi à travers cela la difficulté d’être déraciné et la richesse qu’il y a à aller chercher chez l’autre. Un récit sensible et intelligent.


Scénario : Vincent Zabus - Dessins : Thomas Campi 
Editeur : Dupuis - Récit complet.  




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