Habibi - Craig Thompson

Craig Thompson avait déjà marqué les esprits avec Blankets, roman graphique fleuve retraçant à travers le destin (largement autobiographique) d’un adolescent l’emprise de la religion et de la famille dans l’Amérique rurale. Sa dernière œuvre, Habibi, toute aussi dense, devrait sans aucun doute glaner un prix lors de la prochaine édition du festival d’Angoulême.

Dans un Orient indéfini, millénaire et contemporain, la jeune Dodola, après avoir été vendue enfant à un scribe, est enlevée et s’apprête à suivre le destin tragique et commun des esclaves. Alors qu’elle est aux fers, elle recueille un bébé et parvient ainsi à le sauver d’une mort certaine. Elle l’appellera Zam.

Profitant d’un instant d’inattention, elle réussit à échapper à ses gardiens. Les deux trouveront refuge au beau milieu du désert dans une épave de bateau, leur arche à eux depuis laquelle ils chercheront à renaître, au gré des histoires qu’elle lui conte le soir. Mais le répit prendra malheureusement fin, pour laisser place à une nouvelle errance, dans l’attente de se retrouver, peut-être…

Très largement inspiré des 1001 nuits, Habibi draine les mêmes thèmes, religion, mythologie, sexualité, violence. A travers le récit de ce couple, dont on ne saurait définir avec certitude la nature, Craig Thompson essaime nombre de légendes, de croyances, d’allégories ; le tout s’imbriquant parfaitement, résonnance divine des malheurs humains.

Cette multiplicité se retrouve également dans le dessin, foisonnant de détails, enluminé. Tout y fait sens, la courbe d’une lettre, l’encadrement de certaines pages, quelques formes géométriques censées représenter l’essence même du monde.

Paradoxalement, c’est aussi ce qui peut rebuter dans cette somme : fermement athée, tous ces récits inspirés des grandes religions monothéistes ne m’ont fait que moyennement rêver. Miroirs des horreurs vécues par les personnages, ils les maintiennent dans cette déshumanisation, les culpabilisent, légitiment leurs souffrances. Et si ce n’est bien sûr pas le message souhaité par Thompson, c’est pourtant ce que je ressens.

On retrouve une réelle dimension œcuménique dans ces 1001 nuits version Craig Thompson. Formidable raconteur d’histoires, il entraîne le lecteur dans un tourbillon de mythes, les rendant palpables par un dessin mouvant et sans limites. Reste que cette omniprésence de la religion et de ses poncifs (la pénitence en tête) peut parfois être étouffante. Tout de même incontournable.




Scénario & Dessins : Craig Thompson - Editeur : Casterman - Collection Ecritures 
Récit complet.  




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