Le combat ordinaire - Manu Larcenet

 
Le combat ordinaire c'est celui d'une vie. Celle de Marco, un photographe fatigué de prendre des clichés de la misère humaine et lassé de cette thérapie qu'il fait depuis huit ans et ne le mène à rien. Il a abandonné la ville pour la campagne, pensant résoudre ses problèmes d'angoisse qu'il a depuis tout petit.

Mais il n'y a qu'avec son chat ou avec son frère avec qui il partage ses délires qu'il se sent bien. Le rapprochement avec la nature lui est bénéfique, mais les angoisses n'ont pas disparues pour autant. Le malaise qu'il éprouve est profond.
 
A cause de son manque de motivation il finit par perdre son boulot. Sa mère s'inquiète pour lui pendant que son père perd la mémoire de plus en plus chaque jour.

En se baladant sur le terrain voisin il rencontre le propriétaire des lieux. Un chasseur très désagréable dont le chien attaque et blesse le chat de Marco. C'est en se rendant d'urgence à la clinique vétérinaire qu'il fait la connaissance d' Emilie. Elle est gentille et s'attache très vite à lui. Mais Marco a du mal dans ses relations avec les femmes et il a peur de s'engager. Au bout de plusieurs mois de leur relation elle le met au pied du mur. S'en suit une série d'événements qui vont inévitablement contraindre Marco à se remettre en cause pour ne pas sombrer totalement.


Nous sommes à une période importante de l'histoire française, le récit se déroulant pendant et après les élections de 2002. Marco se pose des questions sur ces relations avec les gens. En particulier sur ce vieux monsieur avec qui il avait si bien sympathisé, qu'il avait trouvé intelligent et sensible, avant d'apprendre qu'il faisait partie des services de renseignements français en Algérie et y avait commis des horreurs. La légitimité de l'amitié qu'il ressent pour cet homme en est perturbée. Il y a aussi ce photographe de renom, dont Marco admire les œuvres et qu'il rencontre. Celui-ci se révèle en fait être un égocentrique, vaniteux et antipathique. Peut on admirer les créations d'une telle personnalité ? Larcenet pose ici la question de savoir si les opinions politiques ou les actes d'un homme font ce qu'il est. Si les regrets peuvent accorder une éventuelle rédemption. Si la noblesse d'une œuvre peut excuser à son créateur un comportement détestable.


Le dessin est simple et très personnel. Il a un côté naïf très intéressant qui contraste avec certains propos parfois lourds de sens. Il y a aussi des moments plus simples, légers et humoristiques qui évitent à l'histoire de sombrer dans la morosité. Entre les planches en couleur racontant les moments de vie de Marco sont imbriquées des pages dans les tons sépia illustrant ses pensées philosophiques. Elles aident à entrer au plus profond des réflexions du personnage, de sa façon de voir les choses.


Analyse sociale, relationnelle, familiale et bien plus encore font de ce récit une oeuvre profondément humaine, un grand moment de bande dessinées loin d'être ordinaire.




Scénario & Dessins : Manu Larcenet
Editeur : Dargaud - Série Terminée - 4 tomes.







Vous avez aimé cette chronique ? Pensez à vous inscrire à la newsletter et/ou au flux RSS pour être informé des prochaines publications.


8 commentaires:

  1. J'ai toujours aimé Larcenet et je trouve le titre de cette BD très beau, philosophiquement parlant.
    Encore une fois, je pense que c'est ce style d'oeuvre qui peut complètement casser les arguments des snobs qui pensent que la BD n'est faite que pour les enfants ou sans prétention d'un point de vue littéraire.
    Je le note dans mon carnet "shopping en librairie" ;)

    RépondreSupprimer
  2. Si tu aimes déjà le style de Larcenet, tu ne seras donc certainement pas déçue par ces quatre albums. Certains disent même qu'il y a un peu d'autobiographie dans cette série.

    RépondreSupprimer
  3. J'adore cette série... ainsi que Retour à la terre. La BD est un média complexe.

    Je suis toujours atterrée quand j'entends des parents me dire que leurs enfants prennent des BD et qu'ils aimeraient qu'ils lisent des temps en temps de la vraie lecture (je travaille en bibliothèque).

    J'essaie toujours de leur expliquer que c'est compliquer de lire une BD car il faut décrypter l'image et le texte. Mon argument ne marche pas toujours.

    RépondreSupprimer
  4. Effectivement même si cela va mieux, la BD n'est pas encore un art considéré à sa juste valeur.

    RépondreSupprimer
  5. c'est bien dommage, quand je vois certaines bD qui ont tellement de valeurs et de choses à dire. Certaines m'ont vraiment fait réfléchir.

    Et encore bravo pour ton blog qui, décidement, est très bien fait :)

    RépondreSupprimer
  6. Je trouve aussi que certaines BD ont une portée bien plus grande que bien des livres..
    Dans le genre, j'aime bien "un faune sur l'épaule" dans la série Broussaille de Franck Pé, sur la mondialisation
    Je n'ai pas encore lu Larcenet mais ton article me donne bien envie ;)
    Merci à toi et bonne soirée !

    RépondreSupprimer
  7. J'aime beaucoup Broussaille également, surtout "La nuit du chat". Cela ne m'étonnes pas de toi que ce soit le genre de lectures que tu aimes ;o)

    RépondreSupprimer