Un Pacte avec Dieu - Will Eisner


En 1978, à 61 ans Will Eisner, un des fondateurs du comic américain, papa de "the Spirit" raconte ses souvenirs des années 30 dans "A contract with God" (publié en France sous les titres "Un Bail avec Dieu", "Le Contrat", puis enfin "Un Pacte avec Dieu".) C'est un des albums qui ont marqué l'histoire de la bande dessinée américaine. Le premier graphic novel. La première fois aux États-Unis qu'une BD aborde des thèmes adultes dans une forme littéraire sans passer par la prépublication dans un périodique. Ce recueil de quatre nouvelles est aussi le premier volume de ce qu'on appellera "la Trilogie du Bronx", les deux suivants étant "Jacob le cafard" (1986) et "Dropsie avenue" (1995).

Quelque chose est paradoxale avec "Un Pacte avec Dieu". Comme le souligne Scott McCloud dans son livre "Réinventer la bande dessinée" : c'est alors qu'il donne enfin ses premières lettres de noblesse et révolutionne le comic américain qu' Eisner emploie le terme graphic novel de peur de déprécier son oeuvre en la qualifiant de bande dessinée. Cette nouvelle forme éditoriale inspira de nombreux auteurs dont Alan Moore et Franck Miller ou encore Art Spiegelman.

Ce roman graphique nous narre quatre nouvelles dont les habitants d'un immeuble du Bronx sont les principaux protagonistes. Parfois il n'y a qu'un dessin illustrant un texte puis d'autres pages reprennent la construction traditionnelle avec ses cases et ses bulles. Nous découvrons ainsi l'histoire tragique de Frimme Hersh qui, à la mort de sa jeune fille, rompt le contrat qu'il avait effectué avec Dieu. Un épisode de la vie d'un chanteur de rue qui croit avoir trouvé la route vers son Eldorado. Les derniers instants d'un concierge qui subit la manipulation d'une gamine de dix ans. Les seules vacances de l'année d'une famille et de quelques célibataires, à la recherche du bon parti, qui quittent quelques jours la ville pour la campagne.

Les immeubles que dessine Eisner sont des personnages à part entière de ces histoires. On plonge au plus profond de l'ambiance du Bronx. Le métro aérien, les femmes qui étendent leur linge entre les bâtiments, les escaliers de secours si typiques à ces constructions New-Yorkaise. Mais aussi la pauvreté, la promiscuité et la connivence entre voisins. Il retranscrit avec talent la vie telle qu'elle était dans ses quartiers d'immigrés. Comme il le définit lui-même dans sa préface : "Ces histoires sont toutes véridiques. Seules la narration et la peinture des personnes et événements en font de la fiction".


Scénario & Dessins : Will Eisner - Editeur : Delcourt.