...à a folie - Ricard/James

Leur rencontre au lycée était comme celle de beaucoup de couples. Elle, amoureuse de lui, l'épiait en secret, rêvant qu'un jour il la remarquerait et viendrait l'aborder. Lui enchaînait les conquêtes faciles, ces filles d'une nuit, mais se disait qu'il lui en faudrait une plus sérieuse pour construire sa vie.

Puis ils se sont enfin croisés, au cours d'une soirée. Il avait trop bu, elle a réussi sa tentative d'approche, et cela a fini par un fougueux baiser, entre le lavabo et la cuvette des WC. Ils se sont revus, ils se sont appréciés et ont décidé de se marier.

Les trois petits points situés avant le "à la folie" nous indiquent subtilement les étapes qui ont été franchies et que le point de non retour est proche. D'ailleurs la couverture nous donne le ton si l'on s'y attarde : lui, chemise ouverte, sûr de lui et elle en train de se recoiffer avec le chemisier entrouvert…

Voilà notre jeune couple, assis sur le divan, un peu comme si nous étions le psychanalyste qui allait écouter leurs confessions intimes. Ils se dévoilent chacun leur tour, et nous découvrons leurs points de vue respectifs.

Elle raconte d'une façon presque touchante, l'organisation de sa journée en fonction de son emploi du temps à lui. Elle prépare son petit déjeuner, veille à ce que l'appartement soit bien rangé, le diner prêt à l'heure et qu'il ne manque de rien. Lui, apporte l'eau au moulin comme on dit, il travaille durement et quand il rentre il n'est pas toujours de la meilleure humeur qui soit, mais sa femme fait avec, elle est si soumise et dévouée...

Jusqu'au jour où, ce à quoi on ne s'attend guère arrive pour la première fois. La dispute, la gifle, les excuses qui suivent instantanément et la promesse que cela ne se reproduira plus...

Rapidement la femme vient à se plaindre des violences conjugales qu'elle endure. Le discours que lui tient sa mère à ce sujet est édifiant, un discours "vieille école", du genre "tu as trouvé un mari ma fille, il faut maintenant le garder coute que coute, d'ailleurs as-tu pensé à lui faire une petite gâterie de temps en temps pour lui faire plaisir ?"

Ce sont deux messieurs qui sont les auteurs de cette bande dessinée. Et l'on est presque étonné de la subtilité avec laquelle ils ont cerné le point de vue féminin de ce type de situations, tant les témoignages sont réalistes. Certains détails sont sordides, mais tous amènent au même constat. La souffrance qu'endure cette femme est intolérable et sa soumission l'est encore plus.

Sylvain Ricard ne passe pas par quatre chemins pour entrer dans le vif d'un sujet qui fait mal, mais dont il est nécessaire de parler, tant il est encore et toujours d'actualité. Le fait de le traiter en passant par les deux témoignages est vraiment bien pensé, cela permet de voir les avis sous différents angles et d'élargir les points de vue.

Le trait de James est précis et efficace et ses teintes sépias illustrent parfaitement ce récit douloureux et intimiste. L'utilisation de personnages sous forme animalière aide à faire passer la dureté des propos.

Quand la vie de monsieur-tout-le-monde cache des secrets inavouables, cela donne une œuvre forte et courageuse, qui a le mérite de faire réfléchir et de dénoncer.




Scénario : Sylvain Ricard - Dessins : James - Editeur : Futuropolis - One shot.




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