Sabu & Ichi - Shôtarô Ishinomori

Sabu est un jeune shitappiki, sorte d’informateur de la police à l’ère Edo. Accompagné de son ami Ichi, masseur sans âge et aveugle, il met toute son énergie dans la résolution d’enquêtes en apparence anodines qui se révèleront bien plus étranges et dangereuses que leurs prémices ne le laissaient présager.

Se frottant avec tout ce que le Japon de l’époque peut compter de malfaisants, voleurs, escrocs, classe dirigeante corrompue, les deux compères manient également à merveille les techniques ninja : astuce et intelligence contre la violence brute des ennemis.

Shôtarô Ishinomori, formé par Osamu Tezuka, écrit les premières histoires de Sabu & Ichi en 1966. Prépubliées par le Weekly shônen Sunday, elles vaudront à l’auteur d’obtenir le prix Shôgakukan en 1968. Appartenant donc à ce qu’il est courant d’appeler le « patrimoine de la BD », ce premier volume ne ravira cependant pas seulement les historiens ou les nostalgiques. Car derrière une simplicité de façade, se dégage une œuvre riche, tant dans le dessin que dans la « revisitation » d’une époque et de ses mythes.

Chaque histoire se présente comme une enquête, généralement amenée par un personnage extérieur victime de chantage ou de l’enlèvement d’un proche, ou induite par l’apparition d’évènements mystérieux. La mise en place de l’intrigue tient donc d’un héritage classique du récit policier et rappelle notamment les procédés utilisés par Conan Doyle dans les aventures de Sherlock Holmes. La suite diffère cependant grandement car là où Holmes ménageait ses effets, la sagacité d’Ichi s’exprime sans ambages et laisse peu de doute sur la résolution de l’affaire. Récits courts donc, dans lesquels l’auteur va droit au but et fait la part belle aux scènes d’action.

Cette brièveté s’exprime magnifiquement dans le dessin, où l’économie d’effets rend paradoxalement le récit plus riche, par ce qu’il laisse suggérer, ce qu’il laisse en suspens. Un exemple : la première case de l’histoire « Le tatouage ». Sabu et Ichi jouent au go en bas de l’image ; une onde et un corps de femme les surplombent ; Sabu dit « Il paraît que la nuit dernière aussi une fille de dix-huit ans a été enlevée et assassinée. On a découvert son cadavre ce matin. Il flottait sur la Sumida. » En quelques traits et quelques mots, tout est posé. Et si les premières planches portent la marque indéniable de Tezuka, on voit le style graphique d’Ishinomori s’affirmer au fil de l’ouvrage. 

C’est donc une belle (re)découverte proposée par Kana dans sa collection Sensei déjà bien fournie (à lire notamment Lorsque nous vivions ensemble de Kazuo Kamimura, sublime fresque du Japon des 70’s). Ce premier volume (il en faudra 4 pour couvrir les 18 volumes de l'édition originale), riche de 1135 pages, confirme le bien que l'on pense de cette collection, tant sur le plan éditorial que sur la réalisation matérielle de l'ouvrage. 



Scénario & Dessins : Shôtarô Ishinomori - Editeur : Kana 
Collection Sensei - Série en cours - 1 tome.
© by ISHINOMORI Shotaro / Shogakukan


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