Shaango : Chroniques de l'orage


Ishan est un jeune éducateur de la cité des Tambours qui assume son rôle tant bien que mal, conscient des horizons limités qui s’offrent aux jeunes du coin. Une nuit, alors qu’il discute avec des jeunes du quartier, il est violemment pris à parti par des policiers de la BAC. 

Plaqué contre un mur, d’anciens instincts se réveillent, ses yeux s’illuminent et la foudre sort de ses mains. Shaango est né.

 L’on ne sait au juste si les nuits d’Ishan sont habitées par des rêves ou des visions : l’Afrique, en des temps reculés, d’étranges rites proches du vaudou, autant d’éléments qui lui révèlent sa seconde nature, animale, brute. Un destin digne des super-héros Marvel, mais bien vite rattrapé par la réalité. Sans maîtrise, cette force ne sert que l’instinct de vengeance, bien pauvre et éphémère. A quoi peut bien servir Shaango ?

Ce premier titre de Los Brignoles éditions, façonné par Kade, Tir et Jac, se définit comme un comic d’influence hip-hop. Les aventures du héros prennent en effet place dans le quotidien banlieusard, ses doutes, ses renoncements et sa violence. Quête de l’identité, rébellion contre une oppression réelle ou supposée et vision cauchemardesque de la société sont autant d’éléments qui contribuent à dessiner un véritable style… et à en marquer les limites.

Il n’est pas dans notre propos de juger le parti-pris sociétal des auteurs (ordre corrompu, manichéisme radical,…). Ce qui se révèle gênant n’est pas le « message » en lui-même, mais la présence d’un message. Comme dans de nombreuses premières œuvres, les auteurs cèdent à la tentation de « vouloir dire quelque chose ». La conséquence : un scénario alourdi, des dialogues et des situations redondantes et le risque de se priver d’une partie du lectorat.

C’est d’autant plus regrettable que les qualités du trio sont nombreuses. La genèse du héros, rythmée par les visions d’Ishan, tient vraiment la route et évolue finement au cours des épisodes (elle n’est d’ailleurs pas sans rappeler un titre d’Oxmo Puccino, « Sortilège »). Mais le meilleur se trouve du côté graphique : un arrière-plan bien fourni, un trait efficace et une aisance évidente dans le découpage des planches. Deux mentions spéciales : la couverture, vraiment bluffante avec son vernis sélectif, et le récit de la légende de Shaango et du panthéon africain, enchainement de gravures entre art tribal et dessin moderne.

Très belle découverte que ce comic version hip-hop, bourré de qualités et servi par une édition réussie. Et si le fond peut susciter des a priori négatifs pour certains lecteurs, nous ne pouvons que les encourager à passer outre ; nul doute alors qu’ils sauront reconnaître que Shaango n’est pas un récit anodin, mais qu’il annonce une carrière prometteuse à ses auteurs.


Scénario : Kade & Jac - Dessins : Kade & Tir - Editeur : Los Brignoles éditions.  



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