Les aventures de Huckleberry Finn
La collection Fétiche de Gallimard propose à des auteurs de bande dessinée de revisiter des grands classiques de la littérature, de livrer une vision personnelle du texte et de sa mise en images. En laissant cette grande liberté de ton, la collection s’enrichit rapidement de très bonnes adaptations dans une grande variété de styles. On pense notamment au Roi rose de Mac Orlan relu par David B. ou encore à Peau d’âne par Baudoin. Pas étonnant donc d’y retrouver une des œuvres de jeunesse de Lorenzo Mattotti, publiée pour la première fois en 1978, Huckleberry Finn.
Ce roman de Mark Twain, suite directe des aventures de Tom Sawyer, s’en distingue par sa forme, son ambiance et son écriture. Là où Tom Sawyer rassemblait nombre de souvenirs d’enfance, plutôt doucereux, Huckleberry Finn nous conte la fuite de Huck avec Jim l’esclave, leurs rencontres, le racisme ordinaire et leur désir de liberté.
Le ton y est plus grave, l’enfance se termine, la confrontation avec les adultes parfois brutale. Différents tableaux se succèderont, la fuite et la peur, l’arrivée en plein milieu d’une vendetta rurale, le bout de chemin partagé avec deux escrocs se disant de lignée royale, la fin heureuse.
Initialement réalisée en noir et blanc, cette adaptation a bénéficié, trente ans après, d’une colorisation (par Céline Puthier) et d’une nouvelle pagination en format italien. Lorenzo Mattotti, dans sa postface, s’en réjouit en expliquant que « l’histoire semblait se régénérer, garder la linéarité de la narration et le rythme de l’aventure, tout en s’enrichissant de nouvelles nuances ».
Le format choisi est effectivement très adapté, collant aux grands espaces et au lent cheminement sur le Mississippi. L’intérêt de la couleur me semble plus discutable. Les grands aplats en particulier ont tendance à « gommer » la finesse du trait et à uniformiser les ambiances. Toutefois, ne nous y trompons pas, l’intérêt de ce type d’œuvre est de faire découvrir à une large audience, tout en leur rendant hommage, des œuvres que l’on pense incontournables. Et de ce point de vue, la couleur est essentielle.
Cette adaptation de Huckleberry Finn mérite amplement sa place dans la collection Fétiche, par sa grande qualité graphique (déjà !) et sa fidélité au texte original. Un détail frappe notamment lorsqu’on a suivi récemment les aberrations du puritanisme américain : l’emploi du mot nègre, respecté dans cette traduction. Et si Mattotti permettra ainsi à beaucoup de découvrir l’œuvre de Twain, c’est également un bon moyen pour découvrir l’œuvre de Mattotti ; ne vous privez d’aucune des deux !
Scénario : Antonio Tettamanti - Dessins : Lorenzo Mattotti - Editeur : Gallimard - Collection Fétiche - Récit complet.