Any empire - Nate Powell
On avait pu découvrir Nate Powell avec le déroutant Swallow me whole en 2010, graphic novel honorée d’un Eisner award qui nous emmenait sur les traces de Ruth et Perry et de leurs obsessions. On retrouve dans son nouvel album Any empire son style si particulier, fait d’ellipses et d’onirisme, mais aussi sa petite tendance à expédier certains passages.
Lee Powell, jeune garçon solitaire, voue une passion à la chose militaire. Héritage du père, illusion de la grandeur du pays, il possède petits soldats de plomb, magazines G.I. Joe, grâce auxquels il recrée les conflits et une forme d’héroïsme rêvé.
Lee Powell, jeune garçon solitaire, voue une passion à la chose militaire. Héritage du père, illusion de la grandeur du pays, il possède petits soldats de plomb, magazines G.I. Joe, grâce auxquels il recrée les conflits et une forme d’héroïsme rêvé.
Un jour, alors qu’il part « en mission » dans le bois voisin, il découvre une cabane haut perchée dans un arbre. Il s’empare du lieu, mais s’apercevra vite qu’il appartient à une bande. Pour s’intégrer, il va devoir jouer le jeu de leur bizutage et tuer quelque chose. C’est aussi à ce moment que l’on rencontre Sarah, jeune détective en herbe qui s’inquiète de la recrudescence de tortues mutilées dans le voisinage. Avec eux, c’est un portrait brutal de l’Amérique moderne qui est dressé.
Autant le dire tout de suite, Nate Powell n’est pas facile à suivre. Partant de ce jeune garçon obnubilé par les « valeurs » de l’armée, il fait défiler devant nos yeux une culture à la dérive, celle ancrée dans le souvenir d’une puissance guerrière révolue. Dans un mélange de flashbacks, de rêves et de symbolisme, Nate Powell nous montre les ravages de la guerre, tant sur les gens qui l’ont faite que sur leurs enfants.
Si on ne comprend pas forcément tout de ce qui se déroule sous nos yeux, on en saisit parfaitement le sentiment, les impressions, les intentions. Et ce n’est rien de dire que Nate Powell est talentueux. On est de suite happé par ses dessins et leur virtuosité, par cette capacité à représenter à tout va, dans des planches parfois très fouillées ou au contraire épurées au possible. Mais on décèle aussi derrière cette écriture furieuse une précipitation, presque une forme d’écriture automatique qui déroute et peut lasser par moments.
Any empire est un roman graphique assez vertigineux dans lequel on se laisse embarquer sans être totalement sûr d’en saisir le sens. Il y est certes question de guerre et de vacuité, mais c’est aussi un témoignage sur la solitude de l’enfance, l’absence d’éducation et la perte de repères. Nate Powell impressionne et agace, mais nous en met plein la tête, incontestablement.
Scénario & Dessins : Nate Powell - Editeur : Sarbacane - Récit complet.
Vous avez aimé cette chronique ? Pensez à vous inscrire à la newsletter et/ou au flux RSS pour être informé des prochaines publications.