Demi-tour 2.0 - Boilet / Peeters

Dijon. Mai 1995, un soir de deuxième tour. Alors que les uns exultent et que les autres pleurent, deux êtres se rencontrent, à l’écart du tumulte. Et si tout semble les opposer, âge, opinions, mode de vie, cela ne fait qu’ajouter à ce qu’il convient d’appeler la magie de l’instant.

Joachim, en route pour Lausanne, fait étape à Dijon afin de suivre les résultats de l’élection présidentielle qui sacrera Jacques Chirac. Dans l’hôtel d’en face, Misato est en train de vivre sa première expérience avec son petit ami, militant RPR et pas peu fier de l’être. 

Leurs chemins vont se croiser dans un restaurant, où, voisins de table, ils vont se décider à partager une bouteille de vin. Coïncidence, aléas, heureux hasard ? Tout le récit tournera autour de cette question essentielle, déterminisme ou libre-arbitre.

Ce récit de Frédéric Boilet et Benoît Peeters, précédemment paru en 1997 dans l’excellente collection Aire Libre (on ne saurait trop conseiller "La lecture des ruines" de David B., "Le réducteur de vitesse" de Christophe Blain,…), possède un charme certain mais peine à trouver une cohérence. Si cette relation naissante intrigue et attire, l’omniprésence du contexte et l’insistance autour des signes et coïncidences tendent à alourdir la narration et laissent plutôt dubitatif.

On retrouve cependant de très beaux instants, comme la discussion la nuit sur un quai de gare avec pour toile de fond imaginaire la Sagrada Familia de Gaudi ou encore l’au-revoir, traité avec beaucoup de délicatesse. Autre réussite du récit : le désir et la sexualité, et c’est peut-être un des signes les plus évidents de l’influence japonaise dans cette œuvre, apparaissent sans fard, dans le texte comme dans le dessin, ce qui confère à l’histoire un caractère extrêmement réaliste et intimiste.

Le dessin apporte une touche "roman-photo" originale, impression renforcée par la colorisation d’Emmanuel Guibert qui offre une belle profondeur et beaucoup de caractère. Mention spéciale pour l’onirisme de la Sagrada Familia qui n’est pas sans rappeler "Les Cités obscures"

Au final, ce récit plein de promesses déçoit un peu, par certaines ficelles un peu trop présentes alors qu’on se contenterait tout à fait de cette charmante rencontre, façon "Lost in translation".


Scénario : Benoît Peeters - Dessins : Frédéric Boilet - Editeur : Dupuis
Collection Aire Libre - Récit complet.  



Vous avez aimé cette chronique ? Pensez à vous inscrire à la newsletter et/ou au flux RSS pour être informé des prochaines publications.