Un privé à la cambrousse - Bruno Heitz
Nous vous avions parlé il y a quelques temps de C’est pas du Van Gogh, enquête doucement surannée dans les traces de l’attentat du Petit-Clamart. Avec la parution du deuxième tome de l’intégrale d’Un privé à la cambrousse, nous avons une occasion supplémentaire de parcourir l’œuvre BD de Bruno Heitz, qui fleure bon la campagne d’antan, ses rites et ses gueules.
Hubert habite Beaulieu-sur-Morne, patelin typique avec son troquet, son instituteur indéboulonnable, son épicerie et ses secrets. Epicier-détective de son état, il effleure chaque domaine en amateur ; il assure uniquement les livraisons le jeudi pour le compte de la mère Favergeot et mène ses enquêtes à l’instinct, pour le plaisir.
Quand le garde-barrière se fout en l’air sur sa voie ferrée ou que son frère, « le gros », se met à « sentir la cave », Hubert se met en quête d’une explication. Et même si ça tâtonne sec par moments, il faut bien dire que son flair lui fait rarement défaut. Et si chaque affaire semble relever de l’anodin, n’allez pas croire que le risque n’existe pas !
Ce deuxième volume regroupe trois récits : Les fantômes du garde-barrière, Virage dangereux et Au bout du canal. Chacune des enquêtes est prétexte à une exploration de cette vie rurale qui disparaît peu à peu. Un peu de suspens, un peu d’action, mais énormément d’attention portée aux personnages, véritables sujets des histoires de Bruno Heitz.
Il n’est d’ailleurs jamais aussi bon que dans les incipit, superbement écrits. Je ne résiste d’ailleurs pas au plaisir de vous en retranscrire un : « Chez nous, l’hiver dure plus longtemps qu’ailleurs. Ce n’est pas le vent, ni l’ombre d’une montagne. On n’a pas de montagne. Juste des vallons, avec des marécages. Ça doit venir de là, de ces marais. […] C’est ça qui donne une odeur si particulière à nos pierres. Ici, même au mois de mai, dans nos ruelles, ça sent la cave. Et nous on sent la fumée. »
Bruno Heitz est un fabuleux raconteur de la France rurale, avec une certaine douceur mais aussi un œil rieur. Il traque les bons comme les mauvais sentiments, l’ennui comme la joie de vivre. Son dessin est un beau condensé de ce que transmettent ses histoires : un charme désuet, mais indéniablement vivant. Ces nouvelles se lisent d’une traite avec un plaisir intact.
Scénario & Dessins : Bruno Heitz - Editeur : Gallimard - Collection Roman graphique
Série en cours - 2 intégrales.