Comprendre le ras-le-bol des auteurs de BD
Vous avez peut-être vu passer quelques titres alarmistes dans vos journaux ou sur les réseaux sociaux, le petit univers des auteurs de bande-dessinée va mal. Mais mis à part les principaux intéressés et quelques passionnés, peu de lecteurs réalisent ce qui se passe vraiment en coulisse. Et pourtant le pire pourrait être à venir...
IMAGINEZ :
- Travailler 12 heures par jour, week-end compris
- N’avoir ni congés payés, ni RTT
- Pas de treizième mois, prime ou tickets resto
- Ne pas pouvoir prendre d’arrêt maladie
- Ne pas avoir le droit aux indemnités chômage
- Une retraite inexistante ou misérable
- Être payé moins que le SMIC
CE N’EST PAS LE FUTUR, MAIS LE QUOTIDIEN DE LA MAJORITÉ DES AUTEURS DE BD.
Effrayant, non ?
Et pourtant ce n’est pas tout, car votre labeur est à peine considéré :
- A moins de travailler sur un grand classique ou d’être un auteur “bankable”, votre livre n’aura que trop peu de promotion médiatique (voir aucune).
- Vos avances ou pourcentages de droits d’auteurs ont sérieusement baissés (voir le slide à la fin d’article pour comprendre le fonctionnement de la rémunération des auteurs)
- L’apparition de formules numériques illimitées qui ne vous rémunéreront pas.
- Les éditeurs qui ne prennent plus le risque de faire de gros tirages, ce qui peut vous nuire, même en cas de succès commercial.
- Les libraires ne peuvent pas mettre en avant votre livre plus d’une semaine, car leurs rayonnages croulent sous les nouveautés.
- Le prix des albums qui augmente un peu plus chaque année et qui oblige les potentiels acheteurs à réduire leur achats BD (crise oblige…).
Cette situation peut sembler intolérable, et pourtant aucun grand médias n’en fait écho : on n’y parle de BD qu’une fois par an, lors du festival d’Angoulème, et c’est pour se féliciter de la vitalité de la production, sans s’inquiéter de la précarité de ceux qui font la BD.
ET TOUT CELA PEUT DEVENIR PIRE.
Entre une augmentation de leur TVA, et une possible réforme des retraites (cotisation à hauteur de 8% des revenus pour financer une retraite complémentaire obligatoire), c’est plus de 10% de leur salaire que les auteurs vont devoir céder, en échange d’une hypothétique retraite.
Comment travailler dans ces dispositions ? Certains auteurs populaires ont du faire le choix de renoncer à leur passion pour mener une existence décente.
Croyez-vous que l’on puisse continuez à profiter d’une production culturelle riche et variée dans ces conditions ?
Allons-nous devenir des vieux nostalgiques qui, dans 20 ans, se plaindront de la tristesse de la production BD ?
En tant que lecteurs passionnés, nous en avons assez de voir ceux qui nous font rêver subir des conditions de vie déplorable. Faire un métier qui passionne n’est pas une excuse à la dégradation sociale. Nous n’avons pas la prétention de changer le monde de l’édition, mais nous voulons faire savoir aux institutions et aux médias que nous, lecteurs, nous sentons concernés, car sans auteur la BD n’existe pas.
Ce mercredi 11 juin, la Ministre de la Culture Aurélie Filippetti à répondu en un tweet à l’appel au secours des auteurs :
@RonyHerve @LeHuffPost nous sommes en train de chercher une solution à ce problème et je répondrai très vite pour soutenir les auteurs de BD
— Aurélie Filippetti (@aurelifil) June 11, 2014
Nous restons vigilants et apporterons tout le soutien possible aux auteurs afin qu’ils obtiennent des conditions de travail qui leur permettent de vivre décemment.
EN SAVOIR PLUS :
Pour mieux comprendre la chaîne du livre et le système de rémunération des auteurs de BD :
La bande annonce de “Sous les bulles”, documentaire alarmiste réalisé début 2014 :
D’autres liens pour en savoir plus et approfondir le sujet :
Les médias généralistes tentent de relayer l’info :
Les spécialistes ne sont pas en reste :
Le point de vue d’un libraire :
Article écrit à six mains par :
- Ginie - Bulles et Onomatopées
- One Eye Pied - La Voix des Bulles
- Merton - Merton sur Twitter
Illustration : James pour le site syndicatbd
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