Tank Girl, visions of Booga - Martin / Dayglo

Comme c’était le cas dans The Odyssey, Tank Girl s’offre un nouveau détour dans la littérature et le temps avec ce Visions of Booga. Libre variation sur la Beat generation et ses mythes, il y est question d’errance, d’hallucinations, d’un livre mystique et d’une foultitude de références au mouvement hippie. Et, comme toujours, c’est barré au possible ; bref, jouissif.

L’histoire démarre avec le braquage d’un train de marchandises par la mafia locale, et Tank Girl et Booga sont de la partie. 

Il faut dire que leurs finances étaient au plus mal : sur les conseils de Booga, le tank revendu et tout l’argent obtenu misé sur un bourrin de second ordre qui finit bon dernier de la course. Et puisque tout se passe mal en ce rude hiver, les flics interviennent et font prisonniers tous les larbins engagés par le chef de la mafia, qui lui s’en sort avec une simple poignée de main du flic, qui n’est autre que… son frère.

Donc direction prison pour Tank Girl et Booga, qui par un heureux hasard trouveront un moyen de s’échapper pendant leur transfert. Seul problème : ils avaient tout vu des accointances entre mafia et police. Les voilà donc partis sur la route, les malfrats à leur poursuite, pour un road trip sanglant et déjanté. Le tout rythmé par la lecture d’un livre récupéré par Booga, « Le livre de l’âge d’or hippie », grand classique perdu de la Beat generation et qui semble posséder un pouvoir particulier sur l’univers…

Alan Martin fait encore des merveilles avec ce nouvel épisode de Tank Girl. Le scénario, en apparence très foutoir, est effectivement délirant mais tient totalement la route. Bien rythmé, il possède ce charme des bons road trips, ce caractère un peu contemplatif et désabusé. Ce qui n’empêche pas la castagne à tout bout de champ ! Et pour les gens un peu curieux, les très nombreuses références à la Beat generation (Ken Kesey et son bus Further, le conducteur Neal Cassady,…) composent une sorte d’hommage au mouvement. Le titre même, Visions of Booga, fait nécessairement penser au Visions of Cody de Jack Kerouac, dont l’ombre plane sur toute l’histoire.

Graphiquement, le plaisir débute avec la couverture signée Ashley Wood, tout simplement sublime (on retrouve d’ailleurs en fin de volume les autres couv’ originales de Wood). Pour le cœur du récit, Rufus Dayglo s’en sort à merveille, imposant son propre style sans pour autant dénaturer la touche originelle de Jamie Hewlett. Si j’avouais une préférence pour le noir et blanc dans les aventures de Tank Girl, ici la colorisation est franchement réussie, donnant corps à cette ambiance mi-réelle mi-rêvée et au soleil de plomb de la côte ouest. Elle est signée Christian Krank.

J’ai trouvé ce Visions of Booga tout simplement génial ! A la fois déjanté et touchant, il semble occuper une place à part dans la série Tank Girl. Si on sent poindre par endroits une forme d’ironie envers l’idéologie beat, le récit n’en constitue pas moins un vibrant hommage à cette vision qui sut ébranler les certitudes de la société américaine, tout comme le fera le mouvement punk en Angleterre. 



Scénario : Alan Martin - Dessins : Rufus Dayglo - Editeur : Ankama - Label 619


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