Quai d’Orsay - Chroniques diplomatiques

La sélection du deuxième tome de Quai d’Orsay au prochain festival d’Angoulême était une bonne occasion pour rattraper mon retard de lecture, quasi impardonnable. Impardonnable car il s’agit, entre autres, de Christophe Blain, l’auteur du Réducteur de vitesse, d’Isaac le pirate, de Gus et dessinateur des Donjon Potron-Minet. Impardonnable aussi car en bon admirateur de The West Wing, je ne pouvais qu’être happé par ces chroniques diplomatiques. 

Arthur Vlaminck est un jeune haut fonctionnaire, du moins on se l’imagine puisqu’il va intégrer l’équipe de conseillers du Ministre des Affaires Etrangères. Très hésitant, franchement impressionné, il va donc rencontrer Alexandre Taillard de Vorms ainsi que ses conseillers déjà en place. On lui assigne les langages ; il aura ainsi la charge de l’écriture (et des multiples réécritures !) des discours.

Tout va très vite ; dans ces bureaux luxueux, c’est un bouillonnement permanent, les idées fusent, se télescopent, se contredisent, sans que l’on sache parfois si elles correspondent à une pensée claire. Ce qui importe le plus, c’est le mouvement. Et autant dire qu’il faut un sacré rythme pour suivre ce ministre, interminable causeur et fin lettré de surcroît. 

Le scénario est signé Abel Lanzac, pseudonyme pris par un ancien conseiller ministériel. On peut donc supposer une part non négligeable de vécu et de vraisemblable dans ces pages. Si j’ai parlé d’A la maison blanche en introduction à ce billet, c’est que le rythme voulu par les deux auteurs est clairement calqué sur le fameux « walk and talk », ce bourdonnement incessant et ces allées-venues perpétuelles.


On est très rapidement gagné par la densité des paroles et des gesticulations ; en clair, on suit les développements des affaires diplomatiques en immersion. La personnalité du ministre, inspiré par Dominique de Villepin, est pour beaucoup dans l’intérêt que l’on porte aux deux albums. Charismatique, cultivé, insupportable mais subjuguant, il est de plus une source inépuisable d’humour : un rire parfois narquois, car s’il n’épargne pas ses conseillers, il ne l’est pas non plus par les auteurs.

La mise en images de Christophe Blain est parfaite, c’est vif, fin et inspiré. Il a une capacité incroyable à croquer en quelques traits le moindre changement d’attitude, le petit détail qui donne tout son sens à la scène. Il a choisi une approche très théâtrale, presque burlesque, qui sied à merveille aux récits de Lanzac.

Quai d’Orsay, chroniques diplomatiques, est avec deux tomes au compteur une série incontournable. L’alias Abel Lanzac au scénario fait un travail formidable de mémoire/réécriture/invention, et Christophe Blain déroule comme à son habitude son talent. On se passionne pour ces brainstormings, ces crises si lointaines qui se règlent en cachette, et ces métiers méconnus qui sont les rouages incontournables de l’organisation de l’Etat. Du grand art !



Scénario : Abel Lanzac - Dessins : Christophe Blain  
Editeur : Dargaud - Série en cours - 2 tomes.




 

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