Daddy - Matthias Schultheiss
Matthias Schultheiss m’avait fasciné avec son Voyage avec Bill, road-trip halluciné et intrigant. Il revient en cette rentrée avec une œuvre beaucoup plus noire, Daddy, ou le retour sur Terre d’un Jésus grossi et mal dans sa peau. Variations sur le sens de Dieu.
Tout commence par une scène grotesque : un sans-abri, énorme et aveugle, affublé d’un nain en guise de chien-guide, se prend un poteau en pleine poire. Cet homme, c’est le fils de Dieu. Rendu aveugle par son père et contraint de rejouer la scène de la révélation pour renvoyer les humains dans son giron, il s’accommode mal de sa mission.
En ces temps de guerres et d’horreur, il a compris que Dieu jouait à un jeu macabre, se désintéressant des faibles et des malheurs humains. Alors, plus question de se révéler aux Hommes, tout juste leur venir en aide, avec ses moyens forcément limités, et s’enivrer de doses d’héroïne. Mais les représentants autoproclamés de Dieu, Pape en tête, auront bientôt vent de cet aveugle capable de miracles…
Les personnages de Matthias Schultheiss sont déglingués, par essence. Jésus ne déroge pas à la règle, look biker tombé en déshérence, infirme, drogué. Il est à l’image du monde qu’il intègre. A dire vrai, on ne comprend pas tout à fait quel est le propos de l’auteur, noyé qu’il est dans une religiosité ambiante qui ne choisit jamais entre réalité et mythologie. L’écriture connaît certaines lourdeurs, des circonlocutions qui ratent leur cible.
Mais, au-delà de ces défauts, demeure une impression générale intéressante, un regard sur le monde lucide et pas si désenchanté qu’il n’y paraît. Le dessin et les couleurs directes y sont pour beaucoup. Une vision expressionniste, proche de certaines toiles de Kokoschka. Viennent s’ajouter à cela, sous la forme de dessins d’enfants, des scènes de violence quotidienne, comme plaquées sur les pages (un procédé qui rappelle récemment les scènes de blast de Larcenet dans la BD du même nom).
Matthias Schultheiss s’est un peu perdu dans ce récit mâtiné de sentiment religieux et d’humanisme. On aurait préféré, comme dans le Voyage avec Bill, un propos plus évasif, moins verbeux. La couverture en est le meilleur exemple : trop d’informations (le dessin d’enfant, le « je t’aime », la graphie du titre) et une mauvaise impression au final. Reste que la partie graphique, avec sa noirceur et ses visions horrifiques, est sublime.
Scénario & Dessins : Matthias Schultheiss - Editeur : Glénat - Récit complet.
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